dimanche 6 octobre 2013

L'art de se battre

La Fabrique de violence, de Jan Guillou, éditions Agone
Depuis peu, je pratique le Krav Maga.
Réaction quasi-unanime : "Krav quoi ?" "C'est quoi, un plat Indien ?" "Ca a rapport avec le macramé ?"
"Ahhh ! Un sport Israélien ?"
"Et ça consiste en quoi ?"
"Du combat rapproché ? Ahhhhhh ! D'accord ! Mais c'est violent alors ?!"
Plutôt oui, dans la mesure où tous les coups sont permis, mais lorsqu'il y a une possibilité de fuir, il ne faut pas hésiter... (Et je le fais comme un cours de self defense.)
J'en suis au troisième entrainement, autant dire que pour l'instant, la seule chose que je sais faire... C'est fuir ! (enfin, même pas, vues mes courbatures, et dans des endroits où j'ignorais même que j'avais des muscles...)

En entamant ce sport, j'ai tout de suite pensé à un roman (pas tout récent) que j'ai adoré : La Fabrique de violence, de Jan Guillou. En effet, l'auteur y décrit quelqu'un qui sait se battre... Et par là, possède assez de confiance en soi pour refuser le combat, sans passer pour un pleutre. Sauf bien sûr quand il n'existe aucune échappatoire.





Jan Guillou souhaitait dénoncer le système éducatif suédois des années 50-60, qui prônait une éducation mutuelle, entraînant une grande brutalité des plus âgés à l'encontre des plus jeunes : La loi du plus fort.
Dans ce roman, il raconte l'histoire d'Erik, un jeune homme de 14 ans, éduqué dans la violence, autant à l'école qu'à la maison. Pourtant, tout en désirant fuir cette violence et se défaire de cet héritage, il ne fait que répéter le même schéma... Le jeune héros est très intelligent, et surtout attachant. Quant à la fin, elle est simplement excellente !

Dans cet extrait, Erik est sommé de se battre dans la cour de son école, devant tous ses camarades. Tout l'art du combat se joue comme aux échecs, celui qui gagne a toujours plusieurs coups d'avance.

"- Est-ce que j'ai le droit d'aller jusqu'au bout ? Par exemple de lui casser un bras ou l'os du nez ?
A partir de ce moment là, il ne lâcha plus ses adversaires du regard.
Lorsque, comme il s'y attendait, le maître de cérémonie eut répété que tout était permis et que personne n'avait le droit de pénétrer sur le carré, Erik saisit promptement l'avantage qu'il s'était assuré.
Il baissa encore un peu plus la voix et dit sans desserrer les dents mais en remuant les lèvres pour qu'on les voie nettement :
- Toi là, avec ton nez. Je vais te le casser en plein milieu. Tu peux t'attendre à abîmer ta chemise et ton falzar et puis à être emmené à l'hôpital en taxi. Et toi, le gros, es-tu droitier ou gaucher ?
- Droitier, répondit l'autre d'une voix qui commençait à trahir le manque d'assurance qu'il fallait.
- Bon, alors c'est le bras gauche que je vais te casser au coude.
Vous m'avez compris ? (...)
Erik planta le regard dans celui de son adversaire au grand nez et sortit ses mains de ses poches, lentement, très lentement, afin qu'ils soient fascinés par ce mouvement au lieu de se lancer à l'attaque, puisqu'ils ne savaient pas se battre. Il étaient pris, ça allait marcher.
Au milieu de ce lent mouvement des mains, il fit tout à coup un double pas en avant et décocha un coup de pied au bas-ventre du gros - il sentit que le coup portait de façon à peu près parfaite -, puis, toujours en portant vers l'avant, il effectua une rotation comme lors d'un lancer du disque afin de donner de la puissance au swing qu'il décocha avec son coude droit au visage du grand (en appuyant avec sa main gauche sur son poing droit pour frapper avec le plus de force possible). La violence du coup perça naturellement la garde ridicule de son adversaire et, le dos presque tourné vers lui, il sentit, tout en achevant sa rotation, quelque chose qui se brisait sous son coude."



PS : éditions Agone, pp. 120-121

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