dimanche 10 mai 2015

Je viens

Je viens, d'Emmanuelle Bayamack-Tam, éditions P.O.L.

Dire que j'ai failli passer à côté de cette merveille à cause de la quatrième de couverture, qui pour moi ne veut rien dire !

Je viens est un conte cruel, une fable grinçante sur le racisme ordinaire, la difficulté de vieillir et l'inaptitude au bonheur à travers trois magnifiques portraits de femmes.

Le roman s'ouvre sur la voix de Charonne, adoptée quand elle n'a pas cinq ans, et que ses parents adoptifs, des bourgeois quarantenaires en mal d'enfants veulent "rendre" à la DDASS quand ils s'aperçoivent qu'elle est noire et grosse.
Mais comme le lecteur le constate en la voyant grandir, Charonne a de la personnalité, une beauté bien à elle, et une assurance naturelle qui lui donnent une réelle confiance dans la vie.

Puis le roman brosse le portrait de Nelly, la grand-mère adoptive de Charonne, ancienne vedette de cinéma qui ne supporte pas de vieillir, de voir sa beauté envolée, revenant sans cesse sur sa splendeur passée.
Elle qui avait des idées assez étroites se révèle être la seule à s'intéresser à sa petite-fille, d'abord comme faire-valoir, puis avec un réel attachement.

Vient enfin la voix de Gladys, fille de Nelly et mère de Charonne.
Sans doute le portrait le plus intéressant car le plus complexe. Car Gladys se complaît dans la rancune. Rancune contre tout : contre Charonne, contre sa mère et la vie en général.
Pourtant, elle semble irréprochable humainement parlant, elle qui aime les retraites spirituelles au Bhoutan, les produits bio et les vêtements éthiques.
Mais Gladys aime les choses plus que les personnes, les meubles qu'elle restaure, les objets qu'elle chine. Et à force de rancœur contre tous, elle passe à côté du bonheur, et finalement à côté de sa vie.

Ces portraits de femme sont magnifiques de justesse, avec leurs cassures, leurs regrets et leurs espoirs déçus.
Il en va de même pour les hommes qui évoluent dans leur sillage : le bizarre amoureux de Charonne, le mari de Nelly et celui de Gladys. Ils permettent au lecteur de mieux comprendre, comme un film négatif la personnalité de ces femmes.

Je vous invite à lire instamment cette comédie d'une élégance rare. Mais ne croyez pas que ce livre est triste, il est au contraire très drôle, même si le lecteur se prend parfois à rire jaune !



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