mardi 25 octobre 2016

Le Commis, de Bernard Malamud



Le Commis, de Bernard Malamud, éditions Rivages


Les lecteurs francophones peuvent désormais se replonger ravis dans l'œuvre de Bernard Malamud, ce grand auteur américain, que d'aucuns qualifient d'"écrivain juif américain" qui a inspiré rien moins que Philip Roth ou encore Cynthia Ozick. 
Pendant longtemps méconnu en France, il était publié aux éditions Metropolis dans leur très bonne collection Les Oubliés, mais depuis épuisé. Il est désormais disponible aux éditions Rivages qui ont racheté les droits de son œuvre. Après les parutions de L'Homme de Kiev et Le Meilleur, son chef d'œuvre vient de reparaître : Le Commis.

 Petit résumé :
Morris et Ida tiennent une petite et sombre épicerie dans le Lower East Side des années cinquante. Les commerçants assistent impuissants à l'ouverture de commerces rutilants qui pratiquent des prix défiant toute concurrence et leur prennent leurs derniers clients. Ida est souvent sur le dos de son mari, lui reprochant à demi mot leur pauvreté et son honnêteté naïve, qui le fait systématiquement passer à côté des occasions de s'enrichir un peu.
Leur fille, Helen, une très jolie jeune femme de vingt-quatre ans, est forcée de travailler comme secrétaire pour aider ses parents. Le soir, Elle lit Tolstoï et Dostoïevski et aspire à étudier la littérature à l'université tout en devinant, résignée qu'elle ne le fera jamais.

Un soir, deux malfrats font irruption dans l'épicerie, visages cachés derrière un mouchoir. Ils braquent son propriétaire pour quelques maigres dollars, le blessant au passage à la tête. Pourtant, Frank, l'un des deux malfaiteurs est rongé par la culpabilité, et après avoir observé pendant quelques jours la pauvre boutique, il arrive à forcer le destin et se faire embaucher par l'épicier, affaibli par l'attaque. Peu à peu, il impose même sa présence au couple qui accueille son aide avec méfiance voire animosité et leur devient indispensable.
En aidant Morris, Frank l'italien, catholique et orphelin cherche la rédemption. Il tombe aussi amoureux d'Helen. Malheureusement, cet amour l'entraînera à sa perte d'une certaine manière. 

Bernard Malamud s'attache à décrire les principes moraux des personnages avec une extrême acuité. 
Franck est un être profondément bon, mais qui oscille entre ses doutes et ses convictions, et son éducation catholique. Tantôt honnête, parfois chapardeur, il sait faire des compromis avec sa conscience quand ça l'arrange. 
Quant à Morris, il ne pratique pas sa religion et ne respecte pas la cashrout, mais ses actes sont pieux, et toujours guidés par la Morale. Il est honnête à l'extrême, loin du cliché du juif commerçant riche et doué pour les affaires. Il ne connaîtra d'ailleurs jamais l'opulence, mourant juste avant la vente de son commerce qui les aurait sortis de la misère.

Malamud questionne aussi l'identité juive à travers le regard de Frank le catholique. En effet, ce dernier pose des questions à Morris sur sa foi et montre son ouverture d'esprit, finissant même par étudier l'histoire des Juifs pour se faire sa propre idée.
Finalement, si la vie de Franck ne s'élève pas matériellement, lui qui comme Helen rêvait d'un meilleur destin, il expiera son crime en avançant sur le chemin spirituel.

Ce traitement réaliste dans la description de ces vies minuscules rapproche Malamud d'auteurs comme Maupassant. Car ici, il n'est pas question de Rêve Américain mais plutôt de l'envers du décor, de pauvres hères, immigrées pour connaître en Amérique un meilleur destin et qui triment toute leur vie sans que jamais leur travail ne paie. 
Pourtant, même sans rien posséder, pour ceux qui savent voir, il reste encore leur spiritualité.
C'est en tout cas ainsi que j'ai voulu lire la morale de cette histoire, si toutefois elle existe.


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