lundi 16 mai 2016

Euphoria, une histoire d'aventure et de passion en Nouvelle-Guinée



Euphoria, de Lily King, éditions Bourgois


Euphoria porte bien son nom. Ce roman, qui nous parle d'amour et d'aventures en Nouvelle-Guinée m'a plongé dans une certaine euphorie. L'histoire s'inspire en partie et très librement de la vie de l'anthropologue Margaret Mead.
En 1933, un couple d'anthropologues américano-australien étudie la tribu des Mumbanyo sur le fleuve Sepik, en Nouvelle-Guinée. Après un an et demi sur place, Nell est très mal à l'aise au sein de cette tribu qui tue sans vergogne ses premiers nés. Elle convainc son mari de choisir un autre sujet d'étude. Ils rencontrent alors Bankson, un scientifique anglais renommé, qui les presse de rester dans la région et leur propose même de les aider à trouver une autre ethnie. En effet, ce dernier, qui n'a pas suivi les traces de son père biologiste est profondément déprimé et ne veut plus rester seul. Peu à peu, il tombe même amoureux de la jeune femme dont il admire le travail et la perspicacité. Quant au mari, Fen, brutal et impatient, il ne cesse de rabrouer sa brillante épouse, dont il jalouse les publications.

Si la thématique du triangle amoureux est un classique de l'histoire d'amour, il serait dommage de résumer ce livre à une simple bluette sentimentale.
On est loin du roman à l'eau de rose. Au contraire, Euphoria possède une force romanesque qui n'est pas sans rappeler des films exotiques et dépaysants tels que Out of Africa ou Le Patient anglais.
De plus, la vision de Nell Stone, cette femme chercheur déterminée, évoluant dans un milieu masculin est un premier élément tout à fait jubilatoire, dans cette société des années trente.
Les descriptions des tribus étudiées sont passionnantes car elles montrent des scientifiques enclins à les comprendre, et qui les respectent sans sombrer dans la vision du bon blanc civilisateur (encore heureux me direz-vous... ils ne seraient pas anthropologues sinon !) à une époque où l'anthropologie est en pleine transition, remettant en cause le modèle occidental comme modèle de référence.
Le lecteur suit leurs recherches anthropologiques en totale immersion, chacun selon sa méthode, dans un environnement moite et chaud, gorgé d'odeurs et de couleurs inconnues.
Et puis ce roman est très drôle. Au début de l'histoire, le scientifique Banston, seul et déprimé tente de se suicider en se noyant dans le fleuve, les poches lestées de cailloux. A peine est-il rentré dans l'eau que deux autochtones l'en extirpent.
"Ils m'attrapèrent si vite et si énergiquement que je bus la tasse et, même si j'étais de nouveau à l'air libre, j'étais incapable de respirer. Chacun m'avait saisi par une épaule. Ils me tirèrent sur la berge, ils me retournèrent, ils me pilonnèrent comme une galette de sagou et ils me remirent debout, sans cesser un instant de me faire la leçon dans leur langue. Ils trouvèrent les cailloux au fond de mes poches. [...] ils expliquèrent qu'ils savaient que j'étais l'homme Teket venu de Nangai. Les cailloux sont magnifiques, dirent-ils, mais dangereux. Rien ne t'empêche de les ramasser mais laisse-les par terre avant d'aller nager. Et ne nage pas tout habillé. C'est également dangereux." Et ils repartent en éclatant de rire un peu plus loin, se moquant de cet anglais un peu idiot.

Un joli coup de coeur pour Euphoria, roman que je ne m'attendais pas à trouver dans le catalogue des éditions Bourgois, éditeur exigeant et de grande qualité. Il faut bien avouer que parfois (et Dieu sait si j'aime les romans noirs et torturés) ce genre de livre profondément romanesque fait un bien fou !


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