mardi 9 février 2016

Comme deux sœurs


Comme deux sœurs, de Rachel Shalita, éditions de l'Antilope


Véra et Tsiona grandissent dans le Tel-Aviv des années vingt. Elles deviennent rapidement amies. Différentes mais complémentaires, elles se considèrent comme deux sœurs. Pourtant, leurs personnalités s'affirment et elles prennent peu à peu des chemins séparés. Tsiona n'a qu'une idée en tête, rejoindre un kibboutz du Neguev, tandis que Véra, indécise, finit par suivre son père à Paris afin d'intégrer une école artistique.
Mais Véra rentre précipitamment en Palestine, suite à un événement qu'elle vit comme une trahison.
Elle se réfugie tout naturellement dans le kibboutz où vit Tsiona, qui l'enjoint de rester malgré les règles strictes du lieu.
Tsiona reçoit alors la lettre d'un jeune orphelin, Youssef, rescapé des camps, candidat à l'admission de ce kibboutz... Son arrivée vient bouleverser l'amitié des filles.

Ce roman est remarquable dans ce qu'il montre deux visions différentes de ce monde, l'une romantique, l'autre pragmatique.

Véra est l'incarnation de la jeune fille rêveuse. Sa vie est romantique. Son père est artiste, séducteur, qui prend des bateaux pour se rendre régulièrement à Paris. Sa mère s'étiole devant ce mari volage et meurt d'un mal mystérieux.
Plus tard encore, la jeune fille vivra sa vie comme un roman, et ce sera L'âme enchantée, de Romain Roland, livre qui la fascine.
Lorsqu'elle rejoint son amie, elle comprend mal qu'on puisse désirer vivre dans la chaleur et la lumière blanche du Néguev, trop âpre pour elle.
Sa vision même de l'amour est romantique. Un jeune homme fera les frais de sa conception sentimentale et extrême de l'amour.

Quant à Tsiona, elle s'engage très jeune dans un mouvement de jeunes pionniers. Sa vision du monde est davantage politique, engagée, extrême.
Si le kibboutz représente l'entité par laquelle le pays se construit, elle veut en être.
Elle désire être l'égale des hommes, et même se battre dans le cadre du Palmach, force paramilitaire juive sioniste ayant pour mission de combattre les forces nazies.
Pas de romantisme dans ses considérations, et l'amour même est une perte de temps.
Mais l'arrivée d'un élément extérieur va faire voler en éclat certaines de ses idées.

Quant au contexte de l'époque, il évoque aussi bien le drame des déportés qui ne furent pas forcément bien accueillis en Israël, (à qui on reprochera même l'hébreu ampoulé et précieux issu de la liturgie), que le statut des arabes privés de certaines de leurs terres, et leur révolte.
Mais ce livre représente aussi l'espoir de tous les juifs d'une terre à eux. Une terre de lumière, lumière très présente dans ce roman.
Enfin, malgré les événements, les sœurs restent à jamais liées par leur histoire, une histoire qui semble se répéter à l'infini.
Outre le charme et l'élégance de ces années là, le lecteur reste conquis par un roman dont le contexte historique est assez peu évoqué en littérature.

Bravo aux jeunes éditions de l'Antilope, dont les éditeurs ont déjà une solide expérience dans le domaine, et qui veulent par cette structure éditoriale, mettre en avant la richesse et les paradoxes des cultures juives sur les cinq continents.

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